Pêche illicite : Un danger pour les pays à façade maritime Ouest-Africains
En Côte d’Ivoire, les experts sont unanimes sur un point : aucun pays ne peut à lui seul garder efficacement ses eaux territoriales. Certains États s’emploient à combattre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) par différents moyens. En Côte d’Ivoire par exemple, l’Etat a renforcé la surveillance maritime et durci les sanctions. Cependant, le manque cruel de moyens financiers et techniques demeure un frein majeur à une lutte plus efficace. De plus, il arrive parfois que la corruption ou une certaine opacité dans la gestion des ressources halieutiques facilitent le développement de la pêche INN en Côte d’Ivoire.
Comme ailleurs sur la côte ivoirienne, Grand-Béréby accueille, depuis plusieurs décennies, des pêcheurs venus du Liberia et du Ghana. Ces derniers sont équipés de pirogues à moteur bien plus grandes et de techniques plus efficaces pour ramener de gros poissons. Pour autant, les uns comme les autres disent avoir aujourd’hui du mal à remplir leurs filets. Parfois en conflit, les deux communautés s’accordent sur la cause du problème : les « navires chinois », comme ils les désignent, souvent visibles au loin et décrits comme sans foi ni loi. Ces derniers temps, de nombreux témoignages révèlent l’ampleur de la pêche illégale le long des côtes ivoiriennes. Pêchant souvent la nuit, dans les eaux dédiées à la pêche artisanale, les équipages majoritairement chinois malgré leur pavillon ivoirien n’hésitent pas à enfreindre les lois en vigueur pour ramener le maximum de poissons. L’absence de contrôles leur laisse les coudées franches.
C’est dans ce contexte qu’une table ronde s’est tenue le jeudi 19 septembre 2024 à Abidjan-Cocody pour aborder la problématique de la pêche INN, en mettant en lumière les répercussions néfastes des navires de pêche industrielle étrangers sur les ressources maritimes ivoiriennes et dans le Golfe de Guinée. Cette table ronde qui a réuni des experts, des institutions concernées et les Organisations de la société civile (OSC) a porté sur le thème “Engagement des parties prenantes sur la sûreté et sécurité et les implications de la gouvernance des navires de pêche industrielle étrangers dans le domaine maritime de la République de Côte d’Ivoire”. L’objectif de cette table ronde, formuler des solutions durables pour contrer ces pratiques déstabilisatrices. Les discussions ont également porté sur les défis liés à la gestion des ressources halieutiques et la protection de la biodiversité marine face à l’exploitation illégale. La rencontre a vu la participation du Centre pour le droit et la sécurité maritimes en Afrique et centre pour la gestion côtière de l’Universit de Cape Coast au Ghana s’inscrit dans le projet “Promouvoir la transparence, la redevabilité et la capacité locale à faire face aux impacts déstabilisateurs des navires étrangers de pêche hauturière (DWFV) dans le Golfe de Guinée et les eaux de la Mauritanie” financé par le Département d’Etat américain à travers l’Ambassade des Etats-Unis à Accra. A l’issue des discussions les experts ont pris l’engagement de mettre en évidence les objectifs du DWFV visant à améliorer la prise de décision et à renforcer la volonté politique d’apporter des changements dans le secteur de la pêche industrielle en luttant contre la participation étrangère et la pêche INN associée.
Selon les responsables du ministre des Ressources animales et halieutiques, la pêche INN constitue une des principales menaces pour les ressources marines de l’Afrique de l’ouest, avec près de 790 000 T de poissons perdus chaque année à cause de ces pratiques illégales représentant des pertes économiques estimées à plus de deux milliards de dollars par an. “La prolifération des navires de pêche hauturière étrangers dans les eaux ivoiriennes et l’insuffisance des régimes de gouvernance des pêches constituent une menace sérieuse à laquelle les autorités doivent répondre collectivement mais efficacement. Les chiffres alarmants cités plus haut traduisent un manque à gagner pour les économies et une menace réelle pour la sécurité alimentaire, la durabilité des écosystèmes marins et la survie des milliers de pêcheurs artisanaux dont les moyens d’existence sont mis en péril.
Cette situation fait appel à une mobilisation régionale et internationale autour de trois actions prioritaires, notamment la promotion de la transparence et de la redevabilité, la lutte contre la pêche INN et le renforcement des capacités locales.
Attribution :
Bien que le contenu de cet article soit rendu possible grâce au projet « Promouvoir la transparence, la responsabilité et les capacités locales pour faire face aux impacts déstabilisants des navires de pêche hauturière étrangers (NPH) dans le golfe de Guinée et les eaux mauritaniennes », les opinions et connotations exprimées sont entièrement celles de l’auteur( Emond Kouadio Kouame) et ne reflètent pas la position ou l’alignement de l’agence de financement – le Département d’État américain – ni des partenaires de mise en œuvre du projet, le Centre pour le droit et la sécurité maritimes (CEMLAWS) Afrique et le Centre pour la gestion côtière (CCM) de l’Université de Cape Coast.